Itérative Hypotypose
Boucle descriptive du mardi 15 octobre 2024
Ce petit paratexte avant de commencer : l’histoire qui va suivre va être tout particulièrement chiante à
parcourir. Pourquoi ? Tout est dans le titre… dans la moitié du titre : il s’agit simplement d’une nouvelle
dont le cœur tourne autour de l’hypotypose. Et pour cela, il faut entrer dans les détails et chercher à être
le plus précis possible… Donc je confirme : ça va être chiant…
... La tristesse emplit son esprit et, sous le coup de l’émotion, le sac lacrymal droit de son visage augmenta subitement le débit naturel du produit filtrant de son sang. Il se dirigea alors de façon plus importante vers les canalicules lacrymaux inférieur et supérieur et apparut une larme qui couvrit sa caroncule lacrymale, au droit d’un reliquat de paupière nictitante. Adalbert cligna de l’œil et le fluide salé quitta la joue sous l’effet d’une poussée supplémentaire du canal lacrymonasal. Inconsciente, sans conscience et insipide, elle chut lentement au sol et s’abattit dans la mousse qui s’était répandue, avec le temps, sur l’écorce des racines et les grosses pierres qui recouvraient un parterre végétal et chaotique. Cette grosse larme de chagrin disparut à jamais au milieu de ces bryophytes reviviscentes, un petit monde dans le monde de la forêt, à la rencontre d’invertébrés aptères, de rotifères, de tardigrades ou d’autres nématodes qui y vivaient.
Mais aussi à la rencontre de Florie…
⁂
Florie, du latin « fleur ».
Florie, gracieuse, attachante et envoutante.
Florie, mille trois cent vingt-deux ans, cinquante-sept centimètres de hauteur sans la crinière et à peu près autant en envergure si l’on prend en compte quatre ailes diaphanes brillantes de papillon, aux couleurs étonnamment absentes.
Florie était tout simplement une pixie.
Il est ici précisé « étonnamment » car habituellement, les pixies disposent d’ailes aux couleurs plutôt vives, bien que translucides.
Les pixies ? Eh bien puisque vous vous le demandez, et puisque vous allez me solliciter, ce sont des fées ! Des fées d’un type bien particulier. De petites fées, cela-dit, mais disposant d’aptitudes inversement plus importantes. Ainsi, elles sont capables de vous endormir grâce à leur poussière magique, comme l’avait fait Clochette avec Peter Pan, ou encore de vous voler vos souvenirs… mais là n’est pas le sujet et, de toute façon, si vous aviez rencontré une pixie, vous ne vous en souviendriez pas puisque vous n’en auriez pas le souvenir…
C’est juste redondant !
Considérez donc que vous en avez souvent rencontré.
Ainsi donc voilà, notre pixie se prénomme Florie et ça, on n’y peut rien non plus : c’est comme ça, et un nom est ce qu’il y a de plus important, mais aussi de plus conséquent car il forge l’être qui le porte : chaque patronyme a une histoire…
Et Florie réside au plus profond de sa forêt[1].
Et comme toutes les pixies, Florie est espiègle et curieuse, très curieuse : souvent, elle vole à grande vitesse, en tous sens, à la recherche de nouvelles excursions ou de voyages inédits dans sa forêt, juste pour satisfaire une vague envie de connaissance. Et justement, elle croisa à cet instant la sécrétion lacrymale d’Adalbert qui terminait sa route au gré de grands champignons émergeant du monde de la forêt, sous lesquels elle s’était assoupie. Et ce goût salé…
Adalbert renifla, renâcla et avala. Il n’avait pas de gonflement de la muqueuse nasale, mais sa tristesse empêchait l’évacuation normale du mucus nasal vers l’arrière-gorge. Ce fut donc le premier son que Florie perçut lorsqu’elle se releva, à moitié hagarde, laissant émerger une petite tête à peine réveillée de sous le tapis végétal.
Le premier, assis sur sa souche, jeta un regard surpris et incrédule sur la seconde, au sol, qui se redressa un peu plus, comme si de rien n’était, comme si elle était seule. Florie secoua alors ses ailes diaphanes, prit de la hauteur et se campa à une cinquantaine de centimètres au-dessus du sol. Elle planta ses yeux dans ceux de l’humain, impatiente, croisa les bras et attendit...
[1]
La présence de Florie permet de localiser cette histoire qui est, comme vous l’avez probablement soupçonné, ancienne et d’origine douteuse. Ainsi, le travail acharné d’un certain Thomas Lesourd résidant à Beuvron-en-Auge a permis, il y a quelques années, de mettre en évidence la présence d’une pixie du côté de Rumesnil. On peut ainsi arguer, avec les réserves qui s’imposent, que la forêt dans laquelle se déroulent nos événements se situe quelque part dans le pays actuel de Normandie.
On peut…
Ou pas !